Le droit au bail ou Comment tuer plus vite le petit commerce
Cela fait longtemps que je n'ai pas écrit un post sur la vraie vie de la boutique et longtemps aussi que je voulais parler d'un truc incroyable que j'ai découvert il y a 4 ans en cherchant un local et qui est en partie, responsable du remplacement des commerces indépendants par des magasins franchisés dans les centres des grandes villes.
Ce truc c'est le "droit au bail" ou "pas de porte" ou "prix de cession" ou "prix de vente" dont voici la définition officielle : Le locataire sortant monnaye le fait que son loyer négocié antérieurement est sous-évalué par rapport au prix du marché. Il cédera par conséquent son bail moyennant le paiement d'une indemnité.
Si c'était le cas lors de sa création, aujourd'hui c'est différent, lorsque l'on paie un doit au bail on achète un emplacement et donc mieux la boutique est placée plus le droit au bail est élevé.
Il s'agit d'une espèce de droit à travailler, une somme qui n'a rien à voir avec le loyer, que le locataire espère récupérer au moment de son départ, en demandant à son tour un droit au bail au nouveau locataire.
Le loyer va au propriétaire des murs et le droit au bail au locataire qui part, les 2 n'ont rien à voir.
Les chiffres, je les trouvais déjà délirants à Versailles : Dans la rue commerçante et selon la surface ils varient entre 100 000 et 280 000 euros ... oui vous avez bien lu.
Mais la semaine dernière j'ai appris qu'à Marseille, un droit au bail avait atteint 600 000 euros rue de Paradis et je ne parle pas de Paris.
A présent il vous est facile de comprendre pourquoi Lilooka ne peut pas déménager et pourquoi quand un indépendant s'en va, il est remplacé par une franchise. Quand on connait le coût de l'ouverture d'une boutique,
qui peut aujourd'hui emprunter 150 000 euros de plus pour être bien placé ? C'est un vrai cercle vicieux car un mauvais emplacement se paie aussi très cher, j'ironise bien sûr.
Un petit exemple pour rire ... jaune :
Boutique 80m2, y compris réserves, Versailles quartier animé, axe traversant, à proximité des commerces, écoles, lycées, etc.
loyer 1500 €/mois
prix de cession : 205.000 € (honoraires d'agence inclus)
Je suppose que d'ici quelques années, il n'y aura plus de commerces indépendants dans certaines villes, ici le mouvement est déjà bien entamé, j'ai cru comprendre que c'était aussi le cas à Paris intra muros et dans toutes les grandes villes.
Il parait que ce droit au bail n'existe qu'en France (a priori c'est faux) et que cela fait des années qu'il est question de le supprimer, je suppose que cela changerait un peu la donne. On peut rêver.
Pour répondre à Evelyne : En théorie tu as raison et naturellement un commerce bien placé trouvera un repreneur. Ce sera plus difficile pour les autres, d'autant que les banques ne sont pas préteuses ces temps-ci. Mais surtout pour céder son bail il faut en "posséder un". Sachant que tu dois donner ton préavis 6 mois à l'avance, tu n'as que ce délai pour trouver le repreneur et qu'à un mois de la fin, un repreneur peu pressé peut décider d'attendre et de démarrer gratuitement sur un bail neuf.
Pour répondre à Alise : Oui bien sûr tu peux partir quand tu veux et proposer la cession du bail à tout moment. Ce que je voulais dire c'est que quand tu as décidé de partir en principe tu n'as pas envie que ça traine et c'est souvent à l'approche de la fin d'une période de 3 ans. J'ai une copine qui a fermé en septembre 2011 sans donner de préavis alors qu'elle en avait la possibilité (2 ans et demi) et qui faute d'un repreneur paie son loyer chaque mois pour une boutique vide. En donnant son préavis elle aurait arrêté de payer le 1er mars. C'est une sorte de pari, si elle parvient a trouver un repreneur qui lui paie plus que tous les loyers versés depuis septembre, elle aura gagné... Mais entre temps, quelle galère. Et il faut en avoir les moyens.