Fin mai, cela fera 2 ans que j'ai ouvert la boutique Lilooka.

Avec le temps, j'ai appris des choses et en particulier à découvrir de nouveaux aspects de cette ville à part, qu'est Versailles. J'en tire quelques leçons qui, malheureusement me poussent à m'éloigner de mon projet initial, une boutique entièrement dédiée aux créateurs et aux illustrateurs.

Je vais profiter de cette envie d'écrire et de ce temps libre (peu de clientes en ce samedi férié) pour expliquer 2 ou 3 choses à celles qui auraient envie de tenter l'aventure du commence "en dur". Je pense qu'il est trop tard pour le commerce en ligne dans ce domaine.

Je travaille dans ce qui est sans doute l'un des plus beaux bureaux du monde, j'ai la chance d'avoir une clientèle très agréable et de bonnes relations avec les créatrices, mais on peut dire que le merveilleux s'arrête là.
Un commerce, c'est avant tout une addition de coûts :

Souvent un « pas de porte » ou « droit au bail », une somme d'argent que le locataire précédent vous demande de payer. Dans la rue la plus commerçante de Versailles il s'échelonne de 70 000 à 180 000 euros (je ne me suis pas trompée dans les zéros).

Un loyer, avec les particularités des baux commerciaux qui font par exemple que je paie 136 euros de charges mensuelles pour 10 litres d'eau utilisés 5 jours par semaine. Je paie également la taxe foncière de la boutique à la place de sa propriétaire.

Les cotisations sociales.

Une facture d'électricité pour l'éclairage et le chauffage.

Une assurance, un extincteur et son contrat de maintenance.

Les emballages, les rubans, le papier cadeau et les sacs.

Le matériel téléphonique et informatique et ses consommables.

Les cartes de visite, étiquettes et les flyer.

Le mobilier, les lampes et ampoules, les portants et les cintres.

La décoration et de quoi faire le ménage.

Parfois, un abonnement de stationnement pour son véhicule.

- Mais surtout c'est le stock.

C'est-à-dire un choix souvent cornélien et de l'argent à avancer. Des minimums de commande qui ne correspondent pas à la dimension de la boutique, et des articles trop chers.

J'écris tout ceci sur un blog mais les goûts de mes clientes n'ont rien à voir avec les vôtres, je ne vois pratiquement jamais de blogueuses. Ici nous sommes encore à l'ère des matriochkas, personne ne coud japonais ni ne porte de vêtements moutarde. Le temps passé à concevoir et à fabriquer n'a pas de valeur.

Quand je discute avec certaines créatrices et avec les fournisseurs, je réalise à quel point l'image de Versailles est éloignée de la réalité. Ici ce n'est pas Paris.

Par ailleurs, la boutique subit une concurrence qui est propre à cette ville. Il se déroule en ce moment et jusqu'au à la fin du mois de juin, une vente privée par jour : bijoux, accessoires et vêtements se vendent sans déclaration d'impôts, sans statut et donc sans charge. Les articles sont réalisés à partir de patrons achetés dans le commerce ou trouvés dans des revues. Il s'agit d'une activité souterraine sur une base de pillage créatif. Il m'arrive de repérer certaines « copieuses » qui viennent regarder comment sont faits mes bandeaux par exemple.

Mes bandeaux, je les ai imaginé toute seule, sans patron ni tuto, en faisant des gabarits et des essais et en cherchant des Liberty un peu originaux.

Pour trouver le professionnel qui fabrique mes miroirs, j'ai cherché et finalement bénéficié d'un concours de circonstance incroyable qui associait 2 autres créatrices, du coup nous regroupons nos commandes.

Une grande partie des versaillaises ne travaille pas, Elles cousent, fabriquent et peignent toute l'année, pour elles et leur entourage. C'est un manque à gagner important pour les commerces comme le mien qui explique sans doute que je ne vende jamais d'éléments décoratifs et peu de cadeaux de naissance en proportion du nombre élevé de bébés qui nait ici.

J 'en arrive à l'un des enseignements les plus importants de ces 2 ans. Pour que Lilooka génère enfin un bénéfice, je dois proposer des articles que les versaillaises ne peuvent pas fabriquer elles-mêmes : des articles industriels. Triste conclusion.

L'attachement aux marques est très fort, les achats doivent être jolis mais utiles et surtout peu couteux : un casse-tête dans le monde de la création manuelle.

Je ne cherche pas à me faire plaindre mais à me faire comprendre. Je fais aller, comme on dit, entre exaspération, fatigue et espoir. Ne me laissez pas de commentaire pour me remonter le moral, vous êtes adorables mais ce n'est pas le but.

2 ans de réflexion

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